(Photo et texte tirés de "Baraques, cabanes, et autres vacheries" aux éditions Mardaga.)
Le Taureau
Roux, pareil à l'été qui fait frissonner l'air,
Il pèse sur le pré comme un rocher de chair,
Concentré d'horizon, de terre, de tonnerre,
Le taureau tout-puissant qui mâche l'univers.
A ses cornes, le ciel aiguise les épées
De ses rayons dorés. Il est seul, lourd, épais,
Enfermé dans le cuir d'une présence lente,
Mais son calme massif cache une âme violente :
Un bruit, un glissement de brise sur les feuilles,
Et l'on voit le feu noir s'allumer dans son oeil.
Quelle pensée têtue tourne avec le sang rouge
En ce corps arrondi comme une arène où bougent
Tour à tour la lumière et l'ombre de la nuit ?
Nul ne sait. Le taureau solitaire poursuit
A jamais sa rumination d'herbe et d'attente
Sur la pente du champ, dans le trèfle et la menthe.
Le soir, quand le couchant embrase le ciel bleu,
Il tend vers le soleil son mufle fabuleux.
Marc ALYN