« La désinvolture et la négligence se manifestent par le même laisser-aller apparent. Mais dans un cas il y a du caractère ; dans
l'autre, seulement une insouciance méprisable. Tout est dit : la désinvolture est un art ; la négligence est un tort.
Il y a moins, dans la désinvolture, une volonté mal intentionnée que l'expression naturelle d'une sorte de je-m'en-foutisme gentil et élégant (...). Dans la négligence, on
ne trouve que le vide de l'omission stupide (...) et les signes d'un cerveau ou bien inattentif ou bien peu lumineux (...). Ni l'une ni l'autre ne sont volontaires, mais la désinvolture
se cultive alors que la négligence « se néglige » — l'une serait davantage « consciente » que l'autre.
Est désinvolte celui qui — sans effort — fait de son apparent désintéressement une manière d'être au monde ; est négligé ou négligent celui dont la bêtise ne lui permet pas d'apprivoiser son défaut — encore faudrait-il distinguer les deux formes de l'adjectif : la première focalise les regards sur le
paraître de l'individu (...) ; la seconde, sur l'attitude de l'individu envers l'extérieur (...).
La désinvolture est un style de vie ; la négligence, une vie sans style. L'une n'est pas dépourvue de grâce (...) ; l'autre reste bloquée
au manque d'application (...). Une règle n'étant rien sans exception, personne ne confondra une « femme négligée » avec une femme « en négligé » : voilà un cas de « négligence soignée »...
L'indifférence de l'être négligé est alarmante de vérité (« négligence » vient du latin neglegere — construit avec nec, « ne pas », et legere, « recueillir
» — signifiant « ne pas s'occuper de », « être indifférent à ») ; celle du désinvolte est si excessive qu'on en vient à percer son mystère : la désinvolture est le paradoxe de
l'hyperémotif. Le désinvolte est un sensible ; le négligé, un insensible.
Ce qui me surprend toujours dans la désinvolture (de l'italien disinvolto, « dégagé », issu du latin volvere, « dérouler » — d'où le sens psychologique : quiconque a
l'« esprit déroulé » se sent libre, dégagé dans ses mouvements), c'est cette espèce d'aisance naturelle de l'individu à traverser le réel avec détachement, presque avec talent : il y a en elle
comme l'affirmation — doucement provocatrice — d'une insoumission, d'une liberté effrontée ; la négligence trahit plutôt une incapacité à maîtriser les choses. La désinvolture
est une philosophie du quotidien (...) ; la négligence n'a rien d'une sagesse.
La désinvolture peut irriter ceux qui n'en ont pas le don : à leurs yeux, elle est insolence, impertinence (...). Bien sûr, pratiquée à l'extrême, avec moins d'art que
d'irresponsabilité, la désinvolture peut mener à la décadence. (...) »
Rémi Bertrand
Un bouquin n'est pas un livre Les nuances des synonymes
Collection Le goût des mots
Editions Points
Ce qui fait l'attrait sans doute du service religieux de la messe catholique c'est son côté répétitif, sans imprévu : on sait à
coup sûr ce qui se dira, ce qui se fera, ce qui se passera puisque rien ne change
Eglise de DINANT en Belgique
(hormis le sermon) d'une fois à l'autre. Gestes, chants,
paroles : tout est prévisible, connu à l'avance. Cela rassure.On y vient chercher justement cette
absence de surprise et cela repose.On s'y repose
de la vie courante qui est toujours pleine d'inattendus, réels ou supposés. C'est sans doute la caractéristique de tous
les rites dans toutes les religions : l'assurance de l'invariable et du prévisible. Ne varietur.
En somme, on n'a même pas besoin de croire vraiment au sens et à la vérité de l'office car ce qui compte au fond c'est le calme et le repos qu'on y
trouve et qu'il nous assure.
PETIT TRAITE DE LA DESINVOLTURE.
DÉSINVOLTURE, subst. fém.
A.− Manière quelque peu inhabituelle d'être dégagé, libre et élégant. Surpris par l'esprit d'à-propos, par la finesse avec laquelle ces hommes formulaient leurs réponses, Lucien était étourdi par ce qu'on nomme le trait, le mot, surtout par la désinvolture de la parole et l'aisance des manières (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 36). Il [mon père] appréciait les gestes élégants, les jolis sentiments, la désinvolture, l'allure, le panache, la frivolité, l'ironie (Beauvoir, Mém. fille, 1958, p. 36).
B.− Péj. Manière de se comporter avec une liberté excessive voire inconvenante. Jupien le [Maurice] mit dehors avec la plus grande désinvolture (Proust, Temps retr., 1922, p. 815). Celui-ci [Riquet] parlait des femmes avec une désinvolture qui me froissait (Beauvoir, Mém. fille, 1958 , p. 293).
Synonymes : abandon, aisance, aplomb, arrogance, brio, chic, décontraction, désinvolte, détachement, effronterie, facilité, familiarité, grossièreté, grâce, hardiesse, impertinence, impolitesse, impudence, inconvenance, incorrection, indifférence, inélégance, irrévérence, laisser-aller, liberté, légèreté, négligence, privauté, sans-façon, toupet.
Antonymes : application, componction, confusion, cérémonie, embarras, gêne, lourdeur, maintien, préciosité, respect, responsabilité, retenue, rigueur, sérieux
Il faut mettre en toutes choses, y compris les plus sérieuses, un zeste de désinvolture.
L'affirmation peut sembler contradictoire voire... désinvolte. Comment concilier désinvolture et sérieux ? Comment ce qui est des plus sérieux peut-il souffrir de la désinvolture ? Car le terme évoque presque toujours quelque chose de négatif. Il suffit de regarder les synonymes qui vont de grossièreté à toupet en passant par négligence. Comment pourrait-on inciter à mettre de la négligence dans ce que l’on tient pour le plus sérieux ? Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement d’incitation mais d’une obligation puisque la phrase commence par « il faut ». Le petit mot « toutes » renforce encore ce caractère obligatoire. Les antonymes encore plus clairement montrent l’opposition évidente entre désinvolture et sérieux.
On pourrait faire remarquer que l’affirmation contient une réserve de taille. Comme en cuisine, tout est question de dosage. L'expression « un zeste de ...»implique, tant en matière culinaire qu'au sens figuré, une faible dose, une petite quantité. On dit aussi : « une pincée de », « un soupçon de... ». Dans une recette, le zeste en question est souvent très important pour sa réussite. Mais il y a d’autres raisons de défendre cette idée que la désinvolture aurait ses bons côtés.
Dessin personnel